Morihei Ueshiba ou l'Aïkido comme Voie cosmique,
par Mohammed Taleb
Si le Japon est un pays de l’Âme du monde, c'est bien parce qu'il est un pays des lames. Les familiers des arts martiaux et, plus généralement, ceux qui trouvent en eux une vive sympathie pour l’Âme japonaise, savent l'importance du katana, du naginata ou encore du wakizashi, ces sabres maniés, depuis des siècles, par les samouraïs. Il existe une tension subtile entre la spiritualité japonaise et les art martiaux, entre la quête de la réalité la plus fondamentale et la voie du sabre, de l'arc et du bâton. Les deux chemins sont intiment liés, et l'espace de cette relation n'est pas autre chose que la Nature vivante elle-même, les éléments, les arbres, les fleurs.
hana wa sakuragi, hito wa bushi
Entre toutes les fleurs, la fleur de cerisier ;
Entre tous les hommes, le guerrier.
Morihei Ueshiba, né en 1883 au Japon, est le fondateur de l'aïkido, art martial à la renommée internationale qui bénéficie à l'heure actuelle d'une très grande popularité. Après avoir étudié assidûment les grands styles classiques de l'art du combat japonais, il crée son propre art martial d'une originalité sans précédent, enrichi par les enseignements spirituels du culte shintô de l'Ômoto-kyô. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Morihei Ueshiba met en place, à Tokyo, la fondation Aikikai pour promouvoir la diffusion de l'aïkido dans le monde entier. Il se retire à Iwama, dans la campagne japonaise, pour cultiver les fruits de la nature et ceux de l'esprit dans la sérénité propice à la réflexion et à la création. Il meurt en 1969 après avoir consacré sa vie entière à son art et à la recherche intérieure. Voici ce qu'il écrit à propos du Budo, qui est la philosophie spirituelle de l'Aïkido et des autres arts martiaux :
« Le Budo est un chemin établi par les Dieux, qui conduit à la vérité, à la bonté et à la beauté ; un chemin spirituel qui reflète l'absence de limite, la nature absolue de l'univers et les ultimes secrets de la création. Fort de la vertu que développe en lui une pratique assidue, l'homme peut percevoir les principes du ciel et de la terre. Les éléments techniques de son art, interaction subtile de l'eau et du feu, révèlent le chemin du ciel et de la terre, l'esprit de la Voie Impériale. L'application de ces techniques est l'affirmation éclatante du merveilleux fonctionnement du kotodama, le principe qui dirige et harmonise toutes les choses du monde, le principe qui résulte de l'unification du ciel, de la terre, du Dieu et de l'humanité ensemble. Cette vertu génère lumière et chaleur, c'est le sabre divin de l'harmonie spirituelle entre le ciel, la terre et l'humanité. Quand la situation le veut, armé de ce sabre divin et porté par les principes du ciel et de la terre, l'homme peut pourfendre sans faiblir le mensonge et le mal pour éclaircir le chemin vers un monde pur et beau. Ainsi éveillé, il est libre d'utiliser tous les éléments contenus dans le ciel et dans la terre tout au long du printemps, de l'été, de l'automne et de l'hiver. » (p. 33)
Au delà du lyrisme, la parole de Morihei Ueshiba est lumineuse : l'art du combat vise moins à la domination qu'à l'harmonisation ; la vraie victoire n'est pas autre chose que la reliance organique entre l'humain, le cosmique et le divin.
De Morihei Ueshiba
Budo. Les enseignements du fondateur de l'Aïkido. Noisy sur École : Budo Éditions, 2013.
Autres ouvrages
Grégory Irvine, Le Sabre japonais. Âme du samouraï. Méolans-Revel : Editions DésIris, 2003
Michel Ramdom, Les arts martiaux ou l'esprit des Bûdo. Noisy sur École : Budo Éditions, 2007.