Nature vivante et Âme pacifiée

(c) droits réservés. "Rêves étoilées" (2023)

Relativement récente, l'écopsychologie - qui affirme l'existence d'un continuum entre la vie intérieure et la Nature vivante, entre les paysages de l'âme et notre environnement - repose sur des prémisses pourtant anciennes, qui, parfois, plongent dans l'Antiquité. Les notions d’« anima mundi », de « microcosmos » et de « macrocosmos », d'« unus mundus », de « mundus imaginalis », de « homo universalis », sont les piliers du lexique de l'écopsychologie, ses maîtres-mots. Ils disent l'inclusion mutuelle de l'âme et de la Nature. La vie de l'âme n'est pas limitée à la sphère de l'intime, mais se déploie jusqu'aux confins de l'univers. Par l'imagination vraie (l'imaginatio vera de Paracelse) et la symbolisation, la psyché est capable de se dilater, et l'âme de retrouver les chemins de l’« Âme du monde », qu'en Islam on appelle « nafs al-kulliyya », l'Âme universelle ou totale. De même, la vie de la Nature n'est pas enclose dans la matérialité du minéral, du végétal et de l'animal. À travers ces écosymboles que sont les Quatre éléments (la Terre, l'Eau, l'Air et le Feu), la Nature se révèle présente intérieure à l'âme. L'anthropologie, en vérité, est d'abord une cosmo-anthropologie, car l'univers, subtilement, est en nous. Toutes les cultures et civilisations, toutes les langues et philosophies on été capables d’offrir des portes d'entrée dans le domaine des écovisions, des cosmovisions et de l'écologie spirituelle. L’écopsychologie trouve dans ces diversité de contextes culturels, civilisationnels et religieux - de la Grèce de Plotin à l'Allemagne de Novalis, de l'Andalousie musulmane d'Ibn 'Arabi à l'Irlande de William Butler Yeats, de l'Inde de Rabindranath Tagore à la Russie de Nicolas Berdiaev -, de quoi nourrir une psychologie de l'Âme du monde et une écologie sacrée. En ces temps de crise, ces disciplines, à la fois spirituelles, philosophiques et chevaleresques, sont un désaveu cinglant de la modernité capitaliste, de la profanation de l'environnement qu'elle propage, avec son lot d'injustices sociales, de domination des peuples. L'écopsychologie est une exhortation pour en finir avec le désenchantement capitaliste de la Nature, et à entrer dans les lueurs vivifiantes de l'Aube, de l'« Aurore naissante » (Jacob Boehme). Le Coran, dans une sourate, appelle les humains à chercher « la protection du Seigneur de l'Aurore naissante ». Par-delà les formes et la singularité des langages, le défi est là : dans la perspective d'un dialogue des civilisations, il nous faut réactiver la portée cosmique de nos cultures. (Mohammed Taleb)