Penser l’humain au temps de l’homme augmenté, de Thierry Magnin [2017]

Penser l’humain au temps de l’homme augmenté, de Thierry Magnin

Paris, Éditions Albin Michel

2017, 304 p., Format : 145 x 225 mm

 

L'auteur, la fois physicien et théologien, professeur des universités, est l'actuel recteur de l’Université catholique de Lyon. Il a consacré 26 années à l'enseignement et à la recherche en physique à l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne. Membre de l’Académie des technologies et de l’Académie catholique de France, il explore les différents défis qui se posent à la conscience dans le domaine de l'éthique des sciences et des technologies. Et il se trouve que cette conscience est aujourd'hui largement malmenée sous l'effet combiné de la révolution des biotechnologies et des fameuses NTIC, les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication ! Le courant dit « transhumaniste » est l'expression intellectuelle de cette menace qui, malgré une parole sur le bien être des humains, vise en réalité à le faire disparaître... Le transhumanisme est un antihumanisme, nous dit l'auteur, car il est un appauvrissement de ce qui fait la richesse de la condition humaine. Ainsi, la vulnérabilité et la fragilité, conditions de toute anthropologie authentique (et le christianisme n'en a pas le monopole !), se trouvent être les bêtes noires des transhumanistes, alors même qu'elles sont des occasions d'éveil, d'amour, de compassion.

 

Thierry Magnin, avec raison, souligne : « L'intérêt de commencer par les visées transhumanistes est d'une part de mettre en garde contre une vision utilitariste des technosciences qui comporte de nombreux éléments déshumanisants (comme une vision très mécaniste de l'homme sur fond de capitalisme ultralibéral) et, d'autre part, d'exacerber les pièges de l’idolâtrie envers les technosciences dont certains acteurs (et non pas tous, loin de là !) prétendent qu'elles peuvent « sauver l'humain » ! Ma première réaction peut ainsi s'exprimer : il faut résister à cette vision au nom même d'une idée de la science et de la technologie au service de l'homme, sans rejeter les technosciences, mais en proposant une autre vision véritablement humaniste pour bien vivre au temps des technosciences. Dans cet état d'esprit, soulignons deux traits majeurs des visées transhumanistes qui me paraissent dangereux pour l'homme lui-même. Le premier est lié à la croyance grandissante que les technologies vont libérer l'homme de ses difficultés (« sauver le génome » pour « sauver l'humanité »), le libérer de ses limites, pour certains jusqu'à la dernière qu'est la mort... grâce à une capacité de calcul des machines et des simulations numériques elles-mêmes sans limites. Et le second qui s'en déduit : l'idée s'installe que l'homme qui cherche depuis toujours à dépasser ses limites pourrait, grâce aux technosciences, légitimement envisager de penser son existence en termes de « no limit » (la singularité et la promesse d'immortalité par exemple) au nom même de l'évolution dont il a pris la conduite » (pp. 73-74)