Éloge des Peuples Canopées

par Mohammed Taleb

 

 

On parle souvent, très souvent, des peuples autochtones comme de peuples « racines ». Certes, le sens varie d'une personne à l'autre, mais j'ai l'intime conviction que, dans une sémiotique écopsychologique, les mots portent ce que j'appelle un « inconscient sémantique », une profondeur que notre inconscient capte lorsque nous les entendons. Dans ma vision, dire peuples « racines », c'est réduire les peuples autochtones aux seules « forces telluriques », aux forces végétales de l'humus, au système racinaire du vivant. Or, les imaginaires de ces peuples sont aussi reliés à des « forces cosmiques », aériennes. Ces peuples peuvent aussi être appelés des « peuples canopées. »

Le terme « racine » évoque une ancrage profond dans la terre, la continuité avec l’humus et les cycles de la nature, celle qui est à nos pieds et sous nos pieds, mais il peut aussi suggérer une fixité, une attache exclusive au sol. À l’inverse, « canopée » ouvre une autre perspective, celle de la connexion avec le ciel, l’air, la lumière, et l’interdépendance entre la terre et l’espace céleste.

Mon approche écopsychologique essaie de mettre en lumière – pour moi-même - la nécessité d’un langage plus englobant, qui ne cantonne pas les peuples autochtones à une seule dimension du vivant. Peut-être faudrait-il penser à une complémentarité entre ces deux images – peuples racines et peuples canopées – pour rendre justice à la complexité de leurs imaginaires et de leurs rapports au monde. En tout cas, pour l’heure, vive les Peuples Canopées et leurs contribution à la dépollution de nos airs, matériels et symboliques.