"Vision" (2013), peinture de l'artiste palestinien Nabil Anani (1943-)
Perspectives pour
une Éducation relative à l'Environnement,
au Bien commun et à la Solidarité internationale
La « bataille » intellectuelle dans laquelle je suis engagé depuis longtemps est celle de la « Culture Générale ». Mon objectif est de contribuer à surmonter l’émiettement des connaissances et la domination des savoirs spécialisés. La spécialisation, lorsqu’elle occupe tout l’espace, devient une pathologie ; elle nous empêche d’avoir un regard panoramique, une conscience d’ensemble. La Culture Générale est la clé d’une approche globale qui valorise cette vue d’ensemble. Cependant, elle n’est pas synonyme d’érudition ou d’académisme. En réalité, la Culture Générale est avant tout une capacité psychique qui permet de relier idées, événements, et phénomènes entre eux. Autrement dit, ca Culture Générale n’est pas un simple réservoir de savoirs, mais un prisme qui nous aide à saisir la cohérence et les liens cachés entre les phénomènes, au-delà des frontières étroites de la spécialisation.
Les savoirs spécialisés nous informent sur des faits comme le "massacre des sorcières" des XVIe et XVIIe siècles, l’occidentalisation du monde à travers l’expansion coloniale, ou encore l’aliénation consumériste du capitalisme contemporain. Mais qu’en est-il des liens, subtils mais réels, qui existent entre ces trois phénomènes ? C’est justement la Culture Générale qui nous permet de les relier, offrant une vision du réel dans son unité, ses contradictions, et sa cohérence. Elle nous aide à dépasser la simple addition de connaissances pour construire une compréhension globale et nuancée du monde. Comprendre le monde, ce n'est pas seulement connaître des faits isolés, mais saisir les liens profonds et souvent cachés qui les unissent.
Mais, pour comprendre le monde, il ne suffit pas de traiter des thèmes en profondeur : il faut aussi les ouvrir à des horizons plus larges et relier les disciplines. C’est pourquoi, dans mes interventions (conférences et séminaires) et mes écrits, j'essaie de combiner l’approfondissement de thèmes divers – la théologie de la libération en Amérique du Sud, en Afrique et dans le monde arabe, la philosophie de Simone Weil, la poésie de Rabindranath Tagore, l’écologie dans l’islam, les luttes des Amérindiens, les visions d’Hildegarde de Bingen ou encore les dialogues entre science et spiritualité – avec leur inscription dans un champ plus large. Ma méthode s’appuie sur la transdisciplinarité, pour relier la rationalité aux histoires de vie, aux intuitions, aux douleurs, aux rêves et aux espoirs. Elle est aussi dialectique, car on n'atteint l'unité du monde qu’en éclairant les tensions, en explorant les fractures et en reliant les aspects essentiels du réel, notamment ceux qui concernent la lutte des classes, la libération des peuples opprimés, l’émancipation sociale et la crise écologique. Aujourd’hui, il est plus urgent que jamais de repoétiser notre rapport au monde, que le désenchantement capitaliste réduit à l’utilitaire et prive de l’imaginaire et de la mémoire, pour ne laisser que le divertissement et l’impératif consumériste
Ce site est consacré à la présentation de mes travaux d’écriture, de mes podcasts, et aux informations sur mes interventions (conférences et séminaires). Vous y trouverez également des coups de cœur pour des femmes et des hommes – militant-e-s, écrivain-e-s du Nord et du Sud, d’Orient et d’Occident – engagé-e-s dans les combats pour la diversité des cultures, des langues et des civilisations, ainsi que pour une Éducation relative à l’Environnement, au Bien commun et à la Solidarité internationale. Le site propose aussi des articles en provenance du monde entier.
Mohammed Taleb
Écrivain algérien, auteur de nombreux ouvrages dans les domaines domaines de l'éducation relative à l'environnement, de l'écologie dans les pays du Sud, et de l'histoire de la littérature.
Horizons
La leçon de Lucie Sauvé
« Dans une telle dynamique, l’éducation relative à l’environnement se préoccupe de clarifier le lien entre nature et société ; elle aide à récupérer une dimension perdue de notre identité, de notre nature humaine ; elle favorise des relations d’altérité plus inclusives et plus riches ; elle stimule des projets de solidarités écologiques qui offrent d’abord un ancrage dans le milieu de vie, celui qui nous est donné de partager maintenant (…) Face au raz-de-marée de la globalisation, à l’économisation et l’homogénéisation du monde, à la perte de signification, l’éducation relative à l’environnement peut ainsi contribuer à ‘‘réenchanter’’ le monde » (Globalisation, résistance et résilience. Pour, 187, 2005, pp. 67-74.)
La leçon de Karl Marx
« La production capitaliste détruit non seulement la santé physique des ouvriers urbains et la vie spirituelle des travailleurs ruraux, mais trouble encore la circulation matérielle entre l’homme et la terre, et la condition naturelle éternelle de la fertilité durable du sol, en rendant de plus en plus difficile la restitution au sol des ingrédients qui lui sont enlevés et usés sous forme d’aliments, de vêtements, etc. Mais en bouleversant les conditions dans lesquelles s’accomplit presque spontanément cette circulation, elle force de la rétablir d’une manière systématique, sous une forme adéquate au développement humain intégral et comme loi régulatrice de la production sociale. (...) En outre, chaque progrès de l’agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais encore dans l’art de dépouiller le sol ; chaque progrès dans l’art d’accroître sa fertilité pour un temps, est un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité. Plus un pays, les États Unis du Nord de l’Amérique par exemple, se développe sur la base de la grande industrie, plus ce processus de destruction s’accomplit rapidement. La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu’en sapant en même temps les deux sources d’où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur. » (Le Capital)
La leçon de Félix Guattari
« La crise écologique renvoie à une crise plus générale du social, du politique et de l’existentiel. Ce qui se trouve mis en cause ici, c’est une sorte de révolution des mentalités afin qu’elles cessent de cautionner un certain type de développement, fondé sur un productivisme ayant perdu toute finalité humaine. Alors, lancinante, la question revient : comment modifier les mentalités, comment réinventer des pratiques sociales qui redonneraient à l’humanité - si elle l’a jamais eu - le sens des responsabilités, non seulement à l’égard de sa propre survie, mais également de l’avenir de toute vie sur cette planète, celle des espèces animales et végétales, comme celle des espèces incorporelles, telles que la musique, les arts, le cinéma, le rapport au temps, l’amour et la compassion pour autrui, le sentiment de fusion au sein du cosmos ? » (La question des questions. Terminal, numéro 57, février-mars 1992, p. 8)
La Leçon de Mahmoud Darwich
« Pour le Palestinien, la terre ne relève pas uniquement du politique, mais aussi du sacré. Dès mes premiers pas dans la poésie, j’ai abordé la terre et ses éléments, herbe, arbres, bois coupé, pierres, comme des êtres vivants. Je veux dire que tout me préparait à recevoir le message de l’Indien. Ayant pris connaissance de sa culture, je me suis rendu compte qu’il avait parlé de moi mieux que je ne l’avais fait moi-même. Aussi, je tire fierté d’avoir hissé la revendication du droit palestinien au niveau du combat de l’homme rouge pour ses droits. C’est une défense de l’harmonie de l’Univers et de la nature, harmonie que l’homme blanc a rompue par sa conduite.
Dans les deux cas, la terre est l’objet du conflit, et la colonisation au cœur de l’affrontement. Et la conscience tragique est suffisamment élevée chez les Palestiniens pour leur permettre de se retrouver dans toute tragédie, de la Grèce à nos jours. C’est très précisément pourquoi nos textes sont épiques et non mythiques, et qu’ils n’affirment pas la suprématie des facteurs objectifs sur la volonté de l’homme. » (La Palestine comme métaphore, Arles, Éditions Actes Sud, 1997)
La Leçon de Rosemary Radford-Ruether
« Le colonialisme (...) réduit les peuples indigènes en esclavage et s’empare aussi de leur terre. Il exploite leur travail ainsi que la terre pour le profit de la minorité colonisatrice. Le résultat est une terre dévastée et des communautés humaines dévastées. (…) Ces désastres manifestent l’injustice ; mais ils ne sont pas eux-mêmes justice divine. (...) La rédemption doit joindre, à de nouvelles relations entre les humains, de nouvelles relations entre les humains et la terre. La justice doit être comprise comme éco-justice, la relation intime entre la façon dont nous nous traitons les uns les autres et la façon dont nous traitons la nature. L’éco-justice signifie une transformation profonde de tout le système de relations entre nous et avec la terre, passant d’un système de violence et d’exploitation à un système qui peut nourrir, à tous les niveaux, des relations qui donnent la vie : entre les classes sociales, entre les races, entre les humains, et entre les humains et la terre. L’intuition éco-féministe est que les relations homme-femme sont à la fois des symboles et des expressions de ce tissu de liens existant entre les humains et entre les humains et la nature.» (Le Dieu des possibilités : l’Immanence et la Transcendance repensées », Paris, Concilium, Vol. 8, no 2, 2001)
La leçon de Wangari Muta Maathai
« Je me tiens humblement devant vous et le reste du monde, exaltée par l'honneur d'être la lauréate du prix Nobel de la paix de 2004.
En tant que première femme africaine à recevoir ce prix, je l'accepte au nom des peuples du Kenya, de l'Afrique et même du monde. Je suis particulièrement attentive aux femmes et aux filles. J'espère que cela les encouragera à faire entendre leurs voix et à prendre davantage de place pour faire preuve de leadership. Je sais que cet honneur donne également un sentiment de fierté à nos hommes, jeunes et moins jeunes. En tant que mère, j'apprécie l'inspiration que cela apporte aux jeunes et les exhorte à s’en servir pour poursuivre leurs rêves. (...)
En 1977, lorsque nous avons lancé le Green Belt Movement, je répondais en partie aux besoins identifiés par les femmes rurales, à savoir le manque de bois de chauffage, d'eau potable, d'alimentation équilibrée, de logement et de revenus. Dans l’ensemble de l’Afrique, les femmes sont les principales gardiennes, elles ont une responsabilité importante dans le labourage des terres et l’alimentation de leurs familles. En conséquence, elles sont souvent les premières à prendre conscience des dommages environnementaux causés par la raréfaction des ressources et l'incapacité de subvenir aux besoins de leurs familles. » (Amnesty International. Témoignages)